Chap 4 : De 1918 à 1930.

L'Allemagne sortie ruinée de la guerre 14-18. Il s'y installe une grande instabilité politique et une inflation vertigineuse qui ruinera le peuple. Les exigences du Traité de Versailles semblèrent injustes et incompréhensibles aux Allemands, ce qui fit le lit du nazisme et prépara la seconde guerre mondiale. Protégé par son immense notoriété, Ferdinand Porsche fut peu touché par ces événements.

1. AUSTRODAIMLER

La grosse firme de WienerNeustadt (dirigée par Porsche depuis 1918) continua la construction de grosses berlines traditionnelles que recherchaient les nouveaux riches que génèrent toutes les guerres. Progressivement, le sport automobile revint à la mode et, dès 1921, Ferdinand Porsche construisit une voiture de course destinée à la Targa Florio. Elle fut baptisée Sascha en hommage ou Comte Alexander Sascha Kolowrat (un riche producteur de films). C'était une très petite voiture (775 kg) propulsée par un moteur 4 cylindres de 1.089 cc à un arbre à cames en tête. Très maniable, elle était bien différente des puissantes et lourdes voitures sportives de l'époque. Porsche en dériva une voiture populaire qui était une sorte de Volkswagen avant la lettre, mais dont la construction en série fut refusée par le Conseil d'Administration. La participation d'Austro-Daimler à la Targa Florio fut une nouvelle occasion pour Porsche de développer un team de course comme il l'avait déjà fait lors des Coupes du Prinz Heinrich. Il sut s'entourer d'hommes compétant comme Alfred Neubauer, ancien officier, qui allait devenir le légendaire Rennleiter de Mercedes. L Sascha gagna la Targa Florio en 1922. Cette même année, Porsche s'opposa violemment aux financier qui contrôlaient la firme et quitta Austro Daimler en claquant la porte. Son ami, Karl Robe le remplaça immédiatement. Les deux hommes, qu'aucun différent n'opposa jamais, se retrouveront en 1930 et ne se quitteront alors plus.
Pendant ces années, le petit Ferry était élevé comme le fils d'un seigneur de l'automobile. En 1920, il avait alors onze ans, son père lui fit construire une voiture automobile à sa taille avec laquelle, il arpentait les rues de Wiener-Neustadt sous l'œil bienveillant des forces de l'ordre.

2. LA DAIMLER MOTOREN GESELLSCHAFT (DMG)

Nous avons vu que progressivement la filiale autrichienne de Daimler (située à Wiener Neustadt) s'était séparée de la maison mère de Bad Constatt (Untertürckheim, près de Stuttgart), peut être un peu à cause de Ferdinand Porsche. C'est néanmoins chez Daimler Allemagne (DMG), que Porsche retrouva immédiatement un emploi en 1923. Il y resta moins de cinq ans. En effet, à cette époque il y avait aussi des frictions entre les membres du conseil d'administration et la direction technique. C'était d'ailleurs un conflit de ce genre qui avait entraîné le départ du précédent directeur technique, Paul Daimler, qui parti construire de grosses berlines luxueuses chez Horch.

Le conseil d'administration désirait que la DMG produise des voitures de tourisme en grande série, ce qui était et est encore le plus rentable. Par contre, Porsche voulait construire des voitures sportives, ce qu'il fit dès son arrivée. La première Daimler de course fut une biplace à roues non carénées. Le moteur à compresseur était très moderne: un huit cylindres en ligne de deux litres avec seize soupapes commandées par deux arbres à cames. Le vilebrequin tournait sur neuf paliers à rouleaux et le graissage s'effectuait par carter sec. Par contre, le châssis, la suspension et le freinage dataient. Cette voiture gagna quand même le GP de I'AVUS en 1926. On a pu dire de Porsche qu'il a toujours été un motoriste génial, mais qu'il n'arrivait pas à adopter le train roulant aux puissances obtenues.

La terrible Mercedes-Benz "Modell S" photographiée en 1927 à Untertürkheim avant le GP d'Allemagne. Notez le châssis "surbaissé".

Pressé par son Conseil d'Administration, Porsche créa aussi de grosses voitures de tourisme propulsées par de puissants moteurs à compresseur. La lourde 630 (moteur six cylindres de 6.3 litres) était tellement performante qu'elle remporta des succès en compétition. Ceci stimula Ferdinand qui en 1926 la munit d'un châssis plus court, mieux adapté à la course. Ce sera la Mercedes Type K, importante car elle sera à l'origine de la lignée des Mercedes-Benz S, SS et SSK dont nous reparlerons bientôt.
Pour comprendre, comment la firme Daimler (DMG) allait devenir la Daimler-Benz, il nous faut remonter aux tout débuts de l'histoire automobile.

3. BENZ

Nous avons déjà évoqué Karl Benz qui a certainement été l'inventeur de l'auto moderne (1886). C'était ou début une nature plus timorée que notre Ferdinand et il détestait la course. A son insu, sa jolie femme, Bertha, et ses deux jeunes enfants avaient osé entreprendre le premier long voyage en auto (117 km en 1881) . Nous avons déjà dit que, le premier moteur Benz était inférieur à celui de Daimler et Maybach, mais dès 1891 ce ne fut plus vrai: la Benz Viktoria était une réussite technique et commerciale. Dès lors, Benz diversifia ses productions et développa sa firme. Progressivement, la rivalité entre Benz et DMG devint très vive.

Les Sascha revenant de la targa Florio sont fêtées à Wiener Neustadt, Alfred Neubauer est ou volant de la première voiture. Ferry Porsche est le troisième petit garçon à partir de la gauche (1922).

En 1905, la société Benz engagea un jeune ingénieur, Hans Nibel, qui allait avoir une grande influence sur les choix techniques de la société. La mode étant aux grosses cylindrées, Benz suivit le mouvement en créant en 1908 une grosse voiture de course qui allait devenir la célèbre Blitzen-Benz à moteur de 21.5 litres développant 200 cv et pesant 1,250 kg. Ce monstre dépassa les 200km/h en 1909. En 1914, la société Benz était devenue une très grosse affaire. Elle s'était lancée dans l'exploitation des brevets de RudoIf Diesel, mais les applications pratiques ne seront obtenues que beaucoup plus tard. Pendant la guerre de 14-18, Benz fabriqua des camions et se rendit célèbre par la création de remarquables moteurs d'avion. Contrairement à la DMG, Benz ne s'intéressa pas à l'armement: lourd. Une des dernières décisions prise par la firme fut de fabriquer des voitures sportives à moteur central arrière. Elles étaient le fruit des travaux de l'ingénieur Edmund Rumpler, qui avait crée auparavant une extraordinaire berline profilée connue sous le nom do Tropfenwegen. Hans Nibel en fit une version de course, la Benz RH, très actuelle avec son 6 cylindres en ligne à double arbres à cames et ses 24 soupapes (80cv). Rumpler avait aussi inventé un système de suspension arrière à essieux oscillants. Toutes ces créations allaient profondément marquer Ferdinand Porsche qui les découvrit lors de la fusion de l'usine Benz avec la Daimler Motoren Gesellschaft en 1926. Le nouveau groupe prit alors le nom de Daimler-Benz.

4. DE DAIMLER-BENZ A MERCEDES-BENZ

Après la fusion, Porsche se retrouva Directeur Technique du plus gros ensemble automobile européen. Il perdit cependant de son indépendance et dut se soumettre aux directives du Conseil d'Administration qui décida de privilégier la construction de grosses voitures coûteuses qui confortaient l'image de marque de Mercedes. On rejeta les projets de voitures particulières conçues par Benz au profit des conceptions maison. Seul fut conservé le système Diesel de Benz, nettement supérieur à celui de DMG. Le départ de Paul Daimler poussa la firme à remplacer l'appellation Daimler-Benz par celle de Mercedes-Benz, tout au moins pour les voitures particulières.
Pendant ce temps, Porsche continua le développement de gros roadsters à moteur avant dérivés de la K antérieure à la fusion avec Benz. Ces voitures allaient devenir les légendaires Mercedes S. Malgré leurs succès en compétition et comme voitures de prestige, ces voitures étaient techniquement beaucoup moins évoluées que la Benz RH Tropfenwogen. Les Mercedes de la Série S avaient de lourds châssis à longerons, des essieux rigides et des suspensions datant de la traction hippomobile. Néanmoins, le génie de Porsche fit progressivement son oeuvre et ces voitures devinrent réellement les meilleures sportives de l'époque. La première fut la Mercedes Benz S (ou W06) de 1927. Le moteur développait 180 cv (avec compresseur), le châssis était allège et surbaissé, seuls les freins restèrent insuffisants. Les succès en course, avec Caracciola au volant, furent tels que le S est parfois compris comme l'initiale de Sieg (victoire en allemand). L'évolution se poursuivit avec la SS (Super Sport), encore plus puissante et légère, puis la SSK (Super Sport Kurz: 1.700 kg, 7 litres de cylindrée, 300cv avec compresseur). Le modèle suivant, SSKL (L pour Leicht) sera créé après le départ du Professeur en fin 1928.
Quand on envisage l'ensemble des créations de Porsche, on a l'impression que le chapitre Mercedes, malgré sa réussite, fut une sorte d'impasse technique. Il semble d'ailleurs que notre génie n'ait pas été très heureux chez Mercedes-Benz. Malgré l'estime qu'il lui portait, il avait du mal à travailler avec Hans Nibel, maniaque et pointilleux, alors que lui ne s'intéressait qu'à l'expérimentation de nouveautés techniques. Se souvenant de la Sascha et, peut être influencé par ce qu'il avait trouvé dans les archives de Benz, il voulait à nouveau créer une petite voiture moderne, ce à quoi s'opposait le Conseil de Surveillance. Les conflits se multiplièrent et il fut destitué de son poste de Directeur des Recherches ou profit de Nibel. Devenu simple Conseiller Technique, on chercha un motif pour l'éjecter. Un matin très froid de 1929, les membres du Conseil d'Administration le provoquèrent en lui intimant l'ordre de démarrer quinze Mercedes neuves. Aucune ne démarra et Porsche, fou de colère, jeta son chapeau dans la neige, le piétina et quitta définitivement Mercedes-Benz.

Prototype d'une version populaire de la Sascha à carrosserie légère en aluminium et moteur 4 cylindres de 15cv. Cette voiture, jamais fabriquée en série suite à l'opposition du Conseil d'Administration d'Austro-Daimler, est considérée comme la première ébauche de la VW.

Il faut encore noter quelques faits importants relatifs au séjour de Ferdinand Porsche chez Mercedes-Benz. D'abord, il bâtit sa maison à Stuttgart, Feuerbacher Weg. C'est dans le garage de cette vaste demeure (détruite à la fin de la guerre) qu'il construira les prototypes de la VW. Ensuite, en 1926, Porsche fit connaissance avec Adolf Hitler qui assistait à des courses sur le circuit de la Solitude. Les deux hommes fraternisèrent et Hitler fut très impressionné par le génial ingénieur. Ceci est peut être à rapprocher des premiers travaux de Ferdinand Porsche concernant un char blindé qui datent de 1928. Il conçut à cette époque le Grosstraktor qui, bien qu'étant un Panzer, était développé sous l'appellation de tracteur agricole pour contourner les décisions du traité de Versailles.
Disons encore qu'en 1928, Louise, la fille aînée du Professeur et excellente pilote de course, avait épousé, Anton Piëch. Son fils Ferdinand allait avoir une grande importance dans l'histoire de la firme Porsche.

5. STEYR

Immédiatement après avoir quitté Mercedes, Porsche est sollicité par différentes usines. Plusieurs propositions échouent car Ferdinand Porsche est devenu très orgueilleux et ses exigences financières sont très élevées. En 1929, après quelques mois d'hésitations, il choisit la firme Steyr et retourne temporairement dans son Autriche natale. Steyr est un très ancien fabriquant d'armes qui, entre les guerres, se reconvertit temporairement dans la fabrication de véhicules. Lors de son passage, Ferdinand crée une grosse berline baptisée Austria, tout à fait comparable à ce qu'il avait réalisé pour Mercedes-Benz.
1929 est l'année du grand Krach boursier et de la Grande Crise mondiale. L'usine Steyr périclite et se rapproche d'Austro-Daimler. Cela permet à Porsche de retrouver Karl Robe et plusieurs autres ingénieurs autrichiens qu'il intégrera plus tard dans son bureau de recherches, le Konstruktionsbüro. Après un an, Austro-Daimler se sépare pour la seconde fois du coûteux Ferdinand Porsche. Lui-même est dégoûté par les financiers qui l'ont toujours contrarié et désire devenir indépendant. Plus tard la fusion de Steyr avec Austro-Daimler et Puch donnera la "Steyr-Daimler-Puch" qui existe toujours.

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